Si le hasard t'emmène jusqu'ici, ne fuis point
Surfe et erre sans fin sur le blog du baladin
Smurfe dégingande-toi au sein du bal à daims
Avec imagination, Sans invitation
Ta religion est l'insubordination ?
Alors gausse-toi ici nul n'est bouffon
ni branque ni saltimbanque honnie soit sale ta banque
Juste des pions décidés à enfin décider
dans un bal laid où déambulent des daims
Manifestant leur insoumission avec dédain
LeonnicAsurgi@yahoo.fr


Comme des bleus

Il aura donc fallu les aimer avant qu’ils nous respectent, il aura donc fallu les kiffer pour qu’ils nous calculent. Nous aspirions leurs poussières et à autre chose, nous ne nous étions tout simplement pas adaptés au nouveau business model du foot français. Nous rêvions d’autres athlètes, nous cauchemardions à leur sujet, nous étions insoumis, avachis et tristes, nous sommes désormais avilis et gais. Nous voulions de la sueur et des fleurs, leurs maillots sentaient la rose, c’était une fleur, de leur part, ils nous épargnaient les effluves de leur transpiration pour mieux nous envoyer sur les roses. Nous nous assoupissions en les matant sur nos matelas, sans ressort, l’ennui et la révolte rivalisaient en nous. Puis la lumière fut, il restait un dernier recours : contraints et forcés, nous nous sommes engagés dans ce mariage d’irraison.

Cette qualification de l’équipe de France pour le Mondial au Brésil, on n’y croyait plus beaucoup après la déroute en Ukraine, beaucoup l’espéraient plus qu’ils n’y croyaient, beaucoup ne l’espéraient même plus, c’est dire le peu de crédit accordé à cette équipe. On ne pouvait plus les voir en peinture ces bleus-là, sauf en nature morte, on n’aurait pas misé un kopeck sur ces insolents, narquois, millionnaires autistes, ressuscités ou réincarnés de la grève de Knysna, sur ces bleus qui selon moi ont aggravé les circonstances depuis Knysna, car ils avaient depuis osé continuer de montrer des signes de « fumisme », signes qui s’ils n’étaient pas à la hauteur de leur grève, ou plutôt à sa bassesse, constituaient autant de flagrants délits de récidives.

Pourtant, on s’est exaltés mardi soir. On les a aimés inconditionnellement, pendant 90 minutes et ils nous l’ont rendu. Grâce à ça, grâce à nous, ils furent en état de grâce. Ils viennent de découvrir l’amour du maillot bleu, c’est juste inédit, pourquoi pas après tout, dans une histoire d’amour il y en a toujours un qui donne avant l’autre, et jusqu’en 2006, nous avions été plutôt habitués à recevoir, même les soirs de défaites ils avaient su se faire recevoir, sans piper mot, acceptant la vindicte populaire, l’un d’entre eux avait même été taxé de criminel pour une passe mal ajustée contre la Bulgarie et contraint de s’exiler en Angleterre, pour fuir cette taxation, contraint à un exil non fiscal, dans les pas de Didier Six qui lui avait raté un pénalty en 1982.

On s’est enthousiasmés mardi soir comme une cocotte-minute évacuait son trop plein de pression alors il ne faut pas oublier les raisons de la montée en pression, comme le ressassaient ces consultants sportifs vendeurs de désespoir, qui faisaient jusqu’ici leur beurre et leur argent en soufflant sur les braises, en rivalisant de justifications destructrices, d’explications démolisseuses et fatalistes comme s’ils se réjouissaient des contreperformances des bleus, ces consultants qui pour une fois se sont fourvoyés mardi soir, éloquents d’impuissance, amputés de leur « sultan-ce » pour l’occasion, discrédités, ravalés au rang de rabat-joie. La « rouetourne a tourné » comme l’avait délicieusement prédit Ribery avant le match.

On s’est retrouvés mardi soir pendant et après le match, même si on était encore beaucoup à regarder nos pompes quand Benzema résuma de son accent si caractéristique, celui qui accentue le manque d’éducation grammaticale, cet accent tue : « Voilà, on avait dit qu’on ferait un gros match, voilà, on l’a fait, voilà. », Benzema comme tant d’autres transformant voilà en conjonction de coordination omniprésente et omnisciente, voilà tout terrain, VTT, mais où est donc Ornicar ? Voilà !
Mardi, on était comme des fans de Johnny à la fin d’un concert, en extase, comme revigorés, mais toujours un peu honteux dès qu’il s’exprime.

Ces joueurs viennent donc de découvrir l’amour du maillot. On attend désormais qu’ils l’honorent, qu’ils nous honorent à chacune de leur sortie, qu’ils apprennent à nous couvrir de fleurs, à amadouer nos exigences, à faire en sorte qu’on ne doute plus de leur fidélité, à améliorer leurs discours d’après match comme autant de flatteries à leur promise, à leurs promis, sans compromis, en mettant de côté cet accent « zyva-esque » et leurs envolées dysorthographiées. Après tout, ils ont tous su apprendre une langue étrangère en peu de temps, il y a même fort à parier sur betclic que Ribery, Benzema et Evra s’expriment respectivement mieux en allemand, espagnol et anglais qu’en français, alors pourquoi n’apprendraient-ils pas le français ? On retrouverait alors un semblant de dignité, avec ou sans Digne, s’ils se hissaient au niveau intellectuel des Thuram, Blanc, Desailly, Deschamps, LLoris, Cabaye, Gourcuff et consort, et qu’on sorte les intrus. Voilà.

L’équipe de France est une vitrine, qu’on n’est pas tous obligés de lécher, beaucoup exècrent le shopping, mais ceux qui le pratiquent (le shopping) aiment que les vitrines soient à l’image de ce qu’elles renferment, qu’elles ne soient pas juste des miroirs aux alouettes ou sans tain offrant la vue sur des footeux dorés, boudeurs, agressifs, ingrats, à la fierté déplacée, à qui tout est dû, qui prennent leur pied pas comme on le souhaiterait. Ces joueurs sont très cher payés pour leur exposition médiatique, ils doivent en accepter les contreparties et critiques, ils doivent travailler leur image.

Il aura aussi fallu un remaniement de taille et le souffle du danger.

Le sélectionneur de l’équipe de France est un homme politique. Ses échéances sont courtes, il a un mandat de deux ans. On veut qu’il prépare au mieux l’euro 2016 en France, ses échéances européennes, avec des jeunes dont on serait fiers, mais on lui impose d’aller au Brésil en 2014, ses municipale à lui, et les jeunes n’étaient pas prêts, il a donc du racler les fonds de tiroirs, rappeler les fantômes de Knysna, dans une synthèse incompréhensible et au final ce retournement de situation aussi surprenant que spectaculaire, son inversion de la courbe du chômage à lui.

Le sélectionneur de l’équipe de France est un homme politique, le Président de la république est-il un sélectionneur ?

Il a déjà instauré une charte pour les sélectionnés du gouvernement, a su virer Cahuzac sur critères déontologiques, trop tardivement certes, mais un Cahuzac dont les compétences pour le poste étaient pourtant louées par tous ; toujours sur critères déontologiques il a écarté DSK de sa sélection, DSK qui pourtant serait lauréat du ballon d’or économique mondial si cette distinction existait.

Il ne manque plus au sélectionneur que la charte qui redorerait le blason de l’équipe de France. Une charte qui ne tolérerait aucun dérapage, aucune insulte, aucun manque de respect, aucune menace, aucune forme de chantage, aucune déclaration tapageuse ou diffamatoire, aucun coup de boule ou de poings. Une charte qui dédramatiserait la défaite, qui reconnaîtrait la supériorité de son vainqueur du jour ; l’élégance fait partie du sport. Une charte qui remettrait l’éducation au centre, il y a tant d’enfants qui se passionnent pour le football. Une charte qui décréterait : à partir d’aujourd’hui, c’est tolérance zéro.

Il ne manque plus au Président de la république que le remaniement.

Tu ne hueras point

Que dire de ces écervelés qui sifflent un Président un jour de fête nationale ? Rien, sinon qu’ils étalent aux yeux de tous leurs incohérences. Ces siffleurs de l’extrême mais manquant de droiture placent la France sur le piédestal mondial mais sabordent une fête nationale, sans gêne, sans gènes à transmettre espérons-le, font du protectionnisme français leur thème de prédilection mais insultent la France pendant le défilé des forces militaires, ces forces qui constituent les derniers remparts d’un état protectionniste. Ces hurluberlus, huent, hurlent, ont la berlue, atomiser un armistice c’est déclarer la guerre idéologique. Une guerre pour rebeloter les rôles, quand on n’est rien dans une société où la faillite personnelle est autorisée on a intérêt à jouer à quitte ou double, comme ces miliciens qui connurent leur heure de gloire et son éphéméride, vilipendèrent l’intérêt collectif pour sortir du trou, du trou qu’ils avaient creusé eux-mêmes, plongés dans le noir de leur inculture. Une guerre pour faire tourner la roue, pour que la roue s’arrête à bonne destination, comme aimantée par le métal, là où ces andouilles l’attendent pour croiser leurs fers et nous préparer des lendemains de fêtes difficiles, là où le nouvel an douille.

Ces cornichons exhibent leur inculture ou leur amnésie, « Que choisir » n’aide pas toujours, oublient ou ne savent pas une chose : le parti qu’ils supportent, qu’on s’efforce d’ailleurs tous de supporter, chacun ses valeurs, les aurait flingués s’ils s’étaient comportés de la sorte face à lui, face à elle, il suffit de regarder l’Histoire, l’extrémisme ne peut régner sans dézinguer ses opposants. Ces profiteurs usent de la liberté de parole qui leur est accordée pour propulser un parti qui nous bâillonnera.

Ces corniauds jouent les drôles, nous font regretter Bourvil et Funès, funestes, lisent Minute et ses jeux de mots à deux balles, réchauffés, ressassés, éculés, Minute qui fait du racisme fruitier en préférant voir Taubira avoir la banane que la pêche, Minute dont la prochaine Une sera un truc du style « Même Robert Hue », Minute grâce à qui « 20 minutes » passe pour de l’information et de la culture de haut vol, d’un niveau intellectuel au moins 20 fois supérieur, à des années-lumière de la Minute de monsieur Cyclopède.

A préférer le Hollande Bashing à Bashung, chacun ses valeurs là encore, on attise la haine. A ceux qui chargent systématiquement et sans discernement Hollande, qui s’amusent de son embonpoint en s’étonnant qu’il n’ait rien dans le ventre, on pourrait rétorquer qu’Hollande a bon dos, plutôt. « Tu ne hueras point » pourrait marquer son mandat d’un onzième commandement, mais on ne lui reprochera pas sur ce point son manque de commandement. Tous les torts lui sont attribués, mais essuyer toutes les critiques c’est déjà tolérer qu’elles puissent s’exprimer, c’est la preuve irréfutable qu’il ne les a pas muselées. A trop focaliser sur sa personne, Hollande s’en trouvera renforcé.

Heureux qui peut exprimer sa peine.

Inculte qui fantasme sur l’extrémisme pour la soulager, l‘extrémisme au pouvoir ne lui laisserait plus le loisir de l’exprimer.

Il arrive toujours un moment où une personne ne peut pas descendre plus bas et, à ce moment-là, toutes les attaques contre lui résonnent comme des stimulations qui provoquent le rebond, impulsent, à trop solliciter les défenses les anticorps compassionnels finissent par prendre le dessus, rayonnent comme des batteries qu’on aurait couplées à un paratonnerre.

Les fans de Cantat dont le nouvel album sort le 18 Novembre se préparent aux huées aussi. Avec le temps, repris magistralement de Ferré, on réalisera qu’il a apporté à la chanson et à la langue française bien plus que la très grande majorité d’entre nous, malgré tout, malgré la violence dont il a été coupable, malgré l’homicide pour lequel il a été jugé, pour lequel ses détracteurs les plus virulents rejoignent ces siffleurs quand ils le condamnent à disparaître, quand ils fantasment sur le rétablissement de l’échafaud promis par leur favorite, échauffourées offertes en attendant, ces échos fourrés de clichés simplistes et binaires. Pourtant on peut avoir fauté et asséner des vérités par ailleurs, en attendant d'éradiquer le manichéisme on peut s'en servir, en marginalisant ceux qui s’en revendiquent, en considérant qu’ils sont du mauvais côté.

Le Goncourt-il à sa perte ?

Trois pré-sélections puis une désignation au final, en finale, à la majorité d’initiés, ne peuvent couronner un navet, auréoler un riz au lait, un flamby, c’est incontestable, on pourrait affubler les cracheurs dans cette soupe non populaire d’ingrats, taxer les cracheurs de feu de vaniteux TTC, réduire les cracheurs de sang au rang de coléoptères, de bêcheurs. Le Goncourt crache au bassinet en glorifiant un auteur, consacre une œuvre qui est forcément à la hauteur de l’événement, même si quelques détails interpellent.

Déjà, la notion de compétition est plutôt étrangère à l’expression artistique et la littérature n’est pas un art mineur. Les lois de l’écriture, ces règles de base à respecter, grammaticales, syntaxiques et orthographiques, n’empiètent en rien sur l’infini, sur l’infinité des thèmes et des styles, descriptif balzacien ou rugueux, foisonnement d’adverbes, virgules omniprésentes truffant le vide,,,, chants partisans ou non, poèmes, associations phonétiques, slams, textes hachés comme des steaks sans provenance, scandés, intrigues, polars, vulgarités contrôlées, dérapages incontrôlés etc…bref, est-il raisonnablement envisageable de les hiérarchiser et de les comparer alors qu’on n’ose même pas le faire pour des choux non gras et des carottes non cuites ?

Admettons, soit, il serait possible de comparer une saga contemporaine à l’encre de Chine, un récit de guerre à l’encre de sang des soldats, Marlene, le témoignage d’un marin japonais à l’encre de seiche, sans lever l’encre il serait possible de distinguer un écrit à la majorité des votants, mais la démocratie s’applique-t-elle à l’art ? Peut-on décréter qu’une œuvre est meilleure parce qu’elle a recueilli plus de suffrages ?

Admettons, soit, il serait possible de le décréter, il serait possible de s’abriter derrière ce consensus mou qu’on nommerait démocratie. Pourtant, comme ces trains qui passent sans qu’on n’ait la possibilité de les prendre, complets, remplis de zigotos aux manettes, un sujet peut en cacher un autre ; le lauréat occulte ses dauphins mais aussi tous les figurants. Jamais un éditeur « récent » n’a été qualifié en finale du Goncourt, ces mêmes éditeurs tenus de prendre tous les risques pour exister, contraints de jeter des pavés dans cette mare obscure et fermée au public pour se démarquer, forcés de naviguer à vue, de slalomer entre les balles perdues, sans arme, sans permis de chasse gardée. Le Goncourt maintient sous perfusion les librairies en assurant le monopole des éditeurs historiques, en faisant de l’élitisme démocratique, c’est peut-être cela « Goncourir ».

Au jeu des comparaisons, puisqu’on peut comparer tout et n’importe quoi, on pourrait s’amuser à rapprocher la désignation d’un Goncourt d’une élection présidentielle en France. En politique, les pré-sélections aussi sont inéquitables, il faut 500 parrainages d’élus pour pouvoir se présenter et, arme de dissuasion supplémentaire, les comptes de campagne ne sont remboursés qu’à la condition d’obtenir un score significatif, 5% des votants, résultat d’autant plus dur à atteindre que le nombre de candidats s’élève. Ensuite, par contre, c’est la démocratie, une parodie de démocratie assumée, une démocratie revendiquée par les organes du pouvoir, on peut voter librement et sans contrainte pour un des finalistes…et on s’étonne de la recrudescence des votes par élimination. Turlupinades et tarabiscotes au beurre salé dont on veut aussi l’argent et qu’on trempe dans ces tasses de thé qu’on veut nôtres, non, on ne peut pas comparer l’élection présidentielle au Goncourt, on peut le fustiger mais le Goncourt reste un gage de qualité made in France, crée des richesses, sponsorise les librairies ; la politique n’est pas le huitième art.

Un Goncourt n’est pas un spermato qui aurait fécondé, ce spermato qui est en nous, ce spermato qui n’est pas le meilleur de tous mais juste celui qui a gagné au loto, on a tous gagné au loto une fois, ce qui n’offre aucune garantie pour la suite, c’est irréfutable, un Goncourt consacre un génie, l’immense mérite du Goncourt est de rapprocher la littérature du monde de l’argent pour son lauréat, c’est plus que mérité, ce sont juste ses figurants qui ne méritent pas leur sort, eux continuent d’attendre leur chance, sans intermittence, sans théâtralisation, sans public, en jouant leur vie comme si elle n’était qu’un Goncourt, de circonstances.

On a assez zoné

L’été est la saison des fondations, on étaye, on compense ces poutres bétonnées plus solides que cette ferraille quIPN et finit toujours par fléchir, le temps qu’elles sèchent au-dessus du vide, au-dessus de ces trous béants, au-dessus de ces impasses supplémentaires qu’on doit faire pour se donner plus de chances, pense-t-on en évoquant son nouveau destin, ce nouveau virage, cette nouvelle voie à tracer, son nouveau départ, nouveau répété comme on met en scène et en exergue le renouveau, ces nouvelles voies qui tout en rapprochant de quelque chose éloignent des possibilités originelles infinies offertes à tout nouveau-né, promises aux crédules, garanties aux croyants, des voies tracées pour certains, des voies lactées pour tous, des voies à sens unique, des voies de garage, des voies sans issue, dévoyées, on avance dans la vie comme un compte bancaire au capital initial variable, un compte pour lequel la seule transaction possible serait le débit, parfois différé, un compte qui n’aurait d’autre vocation que de finir débiteur, le plus tard possible, un compte au solde qui s’amenuiserait, irrémédiablement, à chacune de nos irruptions, à chacun de nos retraits, à chacune de nos retraites, à chacune de nos dépréciations.

L’été on ambitionne, on se challenge, on éprouve sa motivation, on lance ses nouvelles résolutions à la cantonade, a capella, emplis de légèreté mais aussi pour voir comment ça réagit, pour mesurer la force de sa nouvelle lubie, son quotient de résistance. Ce nouveau cap qu’on lorgne sera trop facile, si on l’atteint, ou inatteignable et légitimera l’échec, la dérobade, le manque de conditions réunies, on peut ainsi passer sa vie à ne jamais rien réaliser qui rende fier, qui auto-satisfasse, sans que cela soit ostensible pour les autres, comme un perchiste qui échouerait en s’obstinant à battre le record du monde sans oser mettre la barre plus bas, de peur de sombrer dans la facilité, ce qui est pris n’étant plus à prendre. Savoir mettre la barre plus bas, c’est pourtant ne pas rentrer bredouille, ne pas être le subalterne du lambda du coin fier d’exhiber son petit truc à deux balles, c’est avoir quelque chose à raconter, même un tout petit machin, on ne peut pas être un presqu’au-boutiste accompli, faillir c’est faillir. Savoir mettre la barre très haut, s’inventer de nouveaux caps, de bonnes espérances, permet de proches en proches à l’humanité de progresser, éloigne de ces jungles hostiles de facilité et nauséabondes d’autosatisfaction qui nous rappellent par l’odeur, alléchés que nous sommes, que le présent et le passé ne suffisent pas, seul le futur se suffit. Savoir mettre la barre très haut, c’est aussi s’entraîner à s’envoyer en l’air, rechercher la légèreté, ne jamais renoncer, regarder Droit dans le soleil.

L’été, on étaye sa motivation, celle qui va irrémédiablement s’émousser, à l’approche des échéances et des esquives, on motive ses étais, on affute les sempiternels arguments, on s’assure qu’on a fait le plein pour passer l’hiver et tenir toute l’année. Toute l’année car tout est calibré sur cet espace-temps, une année, confinant ceux qui voient plus loin au statut de doux rêveur ou de Nostradamus de service. On est formatés pour enquiller les années. De l’école, passages de classe ou redoublements, à la vie active, objectifs annuels, congés, en passant par le chômage où les allocations s’arrêtent au bout d’un an, impôts, taxes, assurances, bonus, malus, peines de prison, tout est à l’échelle d’une année, à l’échelle des quatre saisons et d’un côté ça a du bon, puisque ça permet de ranger aux oubliettes les mauvaises années et de repartir sur de nouvelles bases, comme on perdrait un set au tennis qu’on aurait fini par balancer, tout en conservant son destin en mains, en attendant des jours meilleurs.

Quand vient l’hiver on se bat, on bat en retraite, on baliverne, on élit Vercingetorix héros absolu, on relit Verne, on polit verres et matériaux du même tonneau qu’on vide jusqu’à plus soif. L’hiver on se replie, on peut aussi changer de cap, débroussailler de nouvelles voies, mais un accueil glacial leur est souvent réservé, le ciment sèche moins vite. Changer de cap en cours d’année c’est déjà un échec, c’est l’inaboutissement, c’est s’être trompé et ne pas savoir le reconnaître ou c’est ne pas être persévérant. L’hiver, les seules fondations possibles sont celles de familles. L’hiver on s’accroche comme à des bouées aux motivations de l’été, on ne doit pas les faire mourir, quitte à raviver superficiellement une flamme timide, on a des idées noires à la lumière qu’il fait dehors, on s’empiffre, on consomme de l’éléc, on allume tout, la télé crache la nourriture à ces yeux affamés, l’actualité n’inspire plus personne, n’inspire plus rien de bon.

Entre l’hiver et l’été, le min et le max, le ying et le yang, deux saisons qui ne servent à rien d’autre qu’à faire transition dans un monde bipolaire, binaire, un SAS pour éviter les chocs thermiques, ces feuilles qui tombent comme elles dépoileraient un crâne en cours de « chauvinisme », on guette la mise entre parenthèses, cette lumière qui s’éteint peu à peu, anxiogène, car on connaît l’issue, l’hiver à venir, lis Verlaine et tricot au menu, les soupes aux grimaces, les potages dans lesquels on se fond. Le froid de l’automne nous bouleverse car la perspective est inéluctable, sonne comme une condamnation, même l’eau tonne, il fallait se méfier de celle qui dormait, alors qu’on sourit d’une fraîcheur printanière car on sait qu’on va lui tordre le cou incessamment sous peu, on approche de la ligne d’arrivée, celle où on pourra mesurer le chemin parcouru et bâtir à nouveau, l’été, étayer, à la vue de ces cotes bétonnées qui y incitent, qui inspirent malgré tout.

Au fond, on veut du rythme, mais on réclame du frais l’été et on implore Hélios l’hiver, on aime les saisons mais on aspire à assaisonner leurs amplitudes, à atténuer les écarts-types ; on veut faire bouger les lignes, rompre avec les habitudes et le quotidien mais on souhaite que tous les jours ressemblent à nos jours meilleurs. On n’accepte pas la cyclicité des choses, sauf celle des années. On veut du verbe et de l’envolée lyrique, mais les tribuns nous affolent. On veut s’enflammer en toute sécurité. On veut rêver éveillés. On veut prendre des risques sans risquer de tout perdre.

Nos quatre saisons, on ne peut plus les voir en peinture, on ne veut plus en entendre parler, plus personne ne connaît Vivaldi, tout le monde connaît Vivendi et la Terre, nos quatre saisons on ne les veut plus qu’en pizzas, pour les cinq légumes journaliers à ingurgiter, sans assaisonnement pourtant.
On veut plus d’écologie, on s’en remet aux caprices de la nature tant qu’elle ne nous est pas défavorable, on s’en remet aux saisons qu’on cherche à dompter, on a assaisonné.
On traverse un hiver qui n’en finit plus, sans Horizons on a redouté l’oraison, mais on a assez zoné et on la sent, elle vient, elle point, la floraison.