Si le hasard t'emmène jusqu'ici, ne fuis point
Surfe et erre sans fin sur le blog du baladin
Smurfe dégingande-toi au sein du bal à daims
Avec imagination, Sans invitation
Ta religion est l'insubordination ?
Alors gausse-toi ici nul n'est bouffon
ni branque ni saltimbanque honnie soit sale ta banque
Juste des pions décidés à enfin décider
dans un bal laid où déambulent des daims
Manifestant leur insoumission avec dédain
LeonnicAsurgi@yahoo.fr


Golmardesque

27 Mai 1996, Roland Garros, Court numéro 7. Jérôme Golmard, 23 ans, défie Renzo Furlan, quart de finaliste à Roland l’année d’avant. En talent pur, Jérôme éclabousse le stade et les tribunes, j’y étais. Sa patte gauche décomplexée est incisive, il trouve des angles incroyables, perfore, assomme, éclate au grand jour et son adversaire. Jusqu’à la fin du 4ème set, il est la réincarnation d’un Leconte au sommet. Et puis, vient le moment fatidique, le coup de grâce, du sort ou de trop, le moment de conclure qui fait du tennis ce sport si particulier, une discipline où la victoire ne peut se concrétiser sans mental ni maîtrise de ses émotions ; on gagne au tennis contre soi-même avant d’éteindre son rival du jour. Pour vaincre, le tennisman doit gérer un terrible paradoxe, comme un homme d’Etat stresse son peuple pour l’emmener sur le chemin de la sérénité, de la confiance et de la croissance, le joueur se met une pression folle pour ne pas être crispé par l’enjeu, se concentre pour ne pas perdre sa lucidité, respire pour ne pas voir ses muscles se raidir, se mobilise pour ne pas saccader ses gestes, ne pas les ralentir de centièmes de secondes imperceptibles à l’œil nu mais qui enrayent les machines bien huilées jusqu’à la noyade.

Fin de 4ème set, à deux doigts de la performance, à deux points de la victoire, à deux balles, à deux reprises, à deux mains son revers, à deux pas chassés de nous, seul contre lui-même et Furlan, on commence à s’inquiéter, depuis quelques minutes Jérôme puise ses forces dans le public, nous sollicite, provoque les connivences, balaye les tribunes de ses yeux craintifs alors qu’il balayait les lignes de ses coups quelques minutes auparavant, tente d’attraper nos regards complices ; tous les spectateurs découvrent un joueur sensible, comprennent que Jérôme a besoin d’aide, qu’il ne triomphera pas si on ne lui insuffle pas suffisamment d’énergie, d’Essence. Et il cala ce jour-là, mais cette défaite lança une carrière très honorable, jalonnée de coups d’éclat comme sa victoire en 1999 contre Carlos Moya, alors 2ème mondial, lors de laquelle il exhiba toute sa panoplie de coups et un mental exceptionnel pour aligner 9 jeux de rang ; c’est au moment où il était à l’agonie, au bord du gouffre, près de la défaite, qu’il fut animé d’un sursaut aussi salvateur que miraculeux qu’on appelle communément dans le tennis « l’énergie de désespoir », dont certains extraits sont visibles ici pour les amateurs de beau jeu.


Tous lui succombèrent au moins une fois : le grand Agassi alors numéro 1, Courier, Ferreira, Henman, Moya, Corretja, Rios ; Sampras parvint lui à canaliser sa fougue à Bercy après une superbe lutte à couteaux tirés. Sans flagornerie, on peut considérer que Jérôme fut un des meilleurs joueurs du monde au prorata temporis puisqu’il culmina à la 22ème place mondiale sans jamais faire une saison complète, lâché par son physique, déjà, dans l’incapacité de capitaliser sur ses victoires retentissantes pour enchaîner les résultats, sans possibilité de jouir lors de ses états de grâce, comme systématiquement puni de ses efforts.

Beaucoup d’amateurs l’ont adulé, quelques-uns l’ont envié sans le jalouser, particulièrement nous qui nous sommes cognés à l’asymptote, à nos propres limites, égarés dans le ventre mou de la deuxième série du tennis français, ventre mou ne réagissant pas aux séances d’abdominaux en tous genres. Si on avait le cœur léger, on pourrait plaisanter sur le fait que son parcours en dents de scie l’a mené chez le dentiste. Mais ses soucis ont commencé là, en janvier cette année, après une intervention dentaire anodine qui a révélé le mal qui le rongeait : la maladie de Charcot. En deux mois, il a perdu l’usage de ses jambes. Les médecins le condamnent, 3 ans maximum. Cauchemardesque. Golmardesque.

Jérôme ne se résigne pas. Lui, vit cette épreuve comme un match : il cherche des solutions et se raccroche à ce qu’il peut. Prêt à livrer un combat magistral. Au mental, il est persuadé de gagner, comment réagir autrement ?

Il déniche un médecin au remède miracle en Allemagne. Il a besoin de soutien, de liant, de liens, comme celui-ci, ses amis ont lancé un appel aux dons car le prix du remède miracle (4 opérations) est élevé, on peut lui écrire à cette adresse tcdavecledje@gmail.com.

En s’ingéniant à démonter les arguments du médecin allemand qu’ils élèvent au rang de charlatan, certains experts en neurologie ne font pas que condamner Jérôme, ils s’acharnent à dézinguer tous ses espoirs, mais de quel droit ? Ils ont pour eux le poids du passé, mais cela autorise-t-il à hypothéquer le futur, à revendiquer la mainmise sur l’avenir des malades ?

On peut être athée, scientifique, rationnel et continuer de croire en des zones inexplorées sans mysticisme ni prosélytisme, j’en témoigne ; explorer, progresser, apprendre, transmettre constituent les sens forts de l’Humanité qui continuera d’avancer en contournant les certitudes pétries. Galilée est mort raillé par une armée de savants et experts réunis qui se consacraient à démolir « son » héliocentrisme. Certes, n’est pas Galilée qui veut, mais tous les avant-gardistes et les charlatans ont en commun d’avoir glissé sur les peaux de bananes déposées par leurs détracteurs ; seul l’avenir permet de classer les uns et les autres dans une catégorie ou dans l’autre.

« Même sans espoir, la lutte est encore un espoir. » Romain Rolland

« On ne doit mettre son espoir qu’en soi-même. » Virgile