Si le hasard t'emmène jusqu'ici, ne fuis point
Surfe et erre sans fin sur le blog du baladin
Smurfe dégingande-toi au sein du bal à daims
Avec imagination, Sans invitation
Ta religion est l'insubordination ?
Alors gausse-toi ici nul n'est bouffon
ni branque ni saltimbanque honnie soit sale ta banque
Juste des pions décidés à enfin décider
dans un bal laid où déambulent des daims
Manifestant leur insoumission avec dédain
LeonnicAsurgi@yahoo.fr


Courage against The Machine

« Respirez, Poussez ! ». Plus d’autre issue possible, ça devenait irrespirable. Il sauta en élastique dans l’obscurité la plus totale. Il s’attendait à une chute vertigineuse mais se cogna rapidement, il n’était pas sous vide même si l’atmosphère semblait protectrice. Ses jambes se dérobaient sous lui mais atténuèrent le choc lors de la collision. Il zigzaguait péniblement dans la pénombre, engoncé, dans un mouchoir de poche, irrémédiablement attiré par ce trou noir dont il ne voyait pas la fin du tunnel, rétracté comme sous l’effet d’une camisole de force. Il était à bout, de course, de souffle, de nerfs mais pas au bout de ses peines. Il n’avançait plus. Le calvaire, le cauchemar des claustrophobes, il était bloqué. « Respirez, Poussez ! ». S’était-il égaré dans une impasse ? Il avait besoin de repères. Aucune information temporelle, il cherchait midi à quatorze heures. « Respirez, Poussez ! ». L’espace d’un instant, une opportunité se présenta. Un plongeon tête en avant pour sortir de l’état de siège, il paraît que c’est mieux ainsi. Démarrage en trombe, d’Eustache – il lui semblait s’être élancé du forum des Halles même si c’était totalement irrationnel -, une impulsion puissante le propulsa, le confronta à de violentes secousses, des perturbations, des trous d’air.

« Respirez, Poussez ! ». Il entendait des voix, des cris plutôt. Personne. Autour de lui, des parois flasques et visqueuses, douces, étouffantes. Il eut l’impression d’arrimer dans une mare sans canard, un trou gorgé d’eau, une piscine dans laquelle il pouvait barboter, patauger, glander. Mais non, manifestement, on en avait décidé autrement. Impossible de tenir en place dans ce parc à attractions multiples : on l’incitait à évacuer le bassin sur-le-champ. Ballotté, baladé, transbahuté d’un stand à l’autre, le voici désormais en haut d’un gigantesque toboggan indoor dans lequel il s’engouffra avant d’être à nouveau coincé. Depuis l’intérieur du tunnel, il percevait plus ou moins nettement des rais, des faisceaux de lumière intense. Deux soucoupes volantes vinrent le tirer d’affaire, le pressant de chaque côté du crâne pour l’attirer vers le bas. « Respirez, Poussez ! ». Toujours ces cris, des hurlements insupportables témoignant d’une douleur ou d’une peur intense, ceux d’une femme à l’agonie qui ne maitrisait plus ses émotions, dépassée par les événements. Et vint la délivrance. Il atterrit sur la table de travail au moment où l’élastique céda. Il s’époumona pour évacuer son trop plein de pression. C’est une fille ! Bienvenue sur Terre, un autre terrain de jeux aux règles encore plus confuses, aux théories du genre, aux trucs dans le genre.

Etre arrivée là pourrait être un aboutissement si l’on considère le parcours du combattant du spermato fécondé, champion d’une tripotée d’autres zigotos, miraculé à l’issue d’une sélection de célestes ions, vainqueur de ce jeu de hasard. On a tous gagné au « Loto » une fois, une fois ne suffit donc pas. On lui donne un prénom mais elle n’a rien demandé, logique, plus tard on lui inculquera qu’il faut du courage et ne jamais réclamer, encore plus tard elle découvrira qu’il faut exiger, de soi-même ; recevoir un prénom ne suffit pas à faire de soi un Homme ou une Femme selon Kipling, pour se faire un nom, sans garantie, une deuxième naissance s’impose, on a tous le choix, le confort au risque de végéter ou l’aventure au risque de se perdre, on a tous le droit à une renaissance, sans royalties pour les François de 1 à N puisque François 1er avait eu un siècle de retard sur ses voisins (comment dès lors le combler si vite, ce retard ?).

Beaucoup s’écroulent dès la naissance, sans doute usés par leurs efforts intra utérins ou in vitro mal gérés et s’embourbent vite dans la glaise terrestre, pris dans les tourbillons de la vie, sans le loisir de dompter ses règles du jeu, sans loisirs, incapables de s’extraire de ces courants trop forts qui finissent par noyer, sans énergie, roués, girouettes, sans énergie vraie, givrés, sans aptitude à saisir les deuxièmes et nièmes chances, sans disposition aux yeux du Système alors qu’ils ne sont qu’indisposés. Les autres gardent en eux des ambitions de vie intactes voire exponentielles, attisées par des forces mystérieuses. Peut-on considérer qu’ils sont protégés par le sort ou par le Système ?

On peut s’abriter derrière son manque d’esprit de compétition pour masquer son manque de compétitivité. On peut taire ses ambitions de peur de connaître ses propres limites. On devient ainsi presqu’au-boutiste, l’adepte de la théorie des « si », le fervent apologiste de ces faillites où on a tous failli, l’ami idéal qui bouffe à tous les râteliers de l’insuffisance. On peut en revanche vouloir sortir du lot et déserter les chemins de la compromission pour ceux de la liberté. Les champs d’expression sont cultivables à l’infini de toutes les cultures et œuvres, on peut être l’Auteur de sa vie et de celle des autres, avec ou sans droits. Et si la vie n’était qu’un jeu démoniaque pour ceux qui auraient le loisir d’en rire ? Naître ou renaître, telle est la question. Elle choisira la renaissance, à défaut de reconnaissance, elle sera Auteure, mènera une vie anti conventionnelle, la plus belle des vies, disposera d’un capital financier atypique et d’un capital santé atopique, elle développera des allergies aux certitudes, en quête permanente de sens, les sens en éveil, elle veillera à ne jamais tomber en panne d’Essence.

Elle jouera avec sa santé en fouillant au plus profond d’elle-même une substance brute qu’elle exhibera après l’avoir sculptée, ciselée, autocensurée pour finir déformée, recalée, en substance. Elle perforera, creusera l’insondable et parfois sa tombe, pour faire son trou. Elle jouera avec le feu, pompier pyromane volontaire au secours de ses proches qu’elle immolera de silences pour mieux s’isoler dans ses écrits, le double jeu au quotidien. Elle finassera, aura des crises de mégalomanie qu’elle soulagera sur des décalcomanies, s’auto-érigera intello quand elle ne s’autoéditera pas, répondra du tac au tac, sans se gratter en surface ni tirer à boulets rouge. Elle prendra de la hauteur, avec ou sans H, ne saisira pas toujours les perches qui lui seront tendues, taillera les mots à la hache, même ceux qui fâchent, sans relâche, elle cravachera.

Elle combattra le Système, ce Système décadent. On élit Scarlett Johansson femme la plus sexy du monde, on vote par SMS pour d’illustres inconnus qui se trémoussent sur des plateaux télé, on démocratise le vulgaire, on le vulgarise, on twitte sur les seins de Rihanna, on parie sur des résultats sportifs, on deale, adeptes du Big Deal, ignorant tout du New Deal, on dealapide en dealettante, on espère gagner au Loto (une nouvelle fois), on aspire à devenir professionnel de football, on oublie que les agents n’y manquent pas d’r.., on table sur un beau mariage, on table sur la multiplication, on espère ferrer la perle rare comme on pêche un poisson à qui on éclate la gueule, on implore la chance, la réussite, des dieux, on peut s’engager pour une cause facile tant qu’elle ne requiert pas trop de temps, tant que ça reste un loisir, tant que ça n’empiète pas trop sur son temps, on aide par intérêt, on attend un retour, sur investissement, qui ne vient jamais, car le retour vient après l’aller devenu pis-aller, on n’investit plus, à charge de revanche, on brigue la richesse immédiate et ses signes extérieurs, les marques, la marque au crocodeal, on consacre toute son énergie à dénicher un terrain fertile en argent facile comme les texans achetaient à l’aveugle des terres qu’ils retournaient dans l’espoir d’en voir jaillir du pétrole, terre à terre, on sert sa cause en premier lieu, on soigne sa com’ mais on parle ça comm’. Dans ce Système, on oscille : on ose puis on cille.

Elle ira au bout des choses, défendra de grandes causes, soutiendra la recherche fondamentale pour que dalle, pour qu’eux dallent (les chercheurs), la lutte contre le cancer pour des clopinettes dont on veut réduire la consommation, représentera les fourmis de l’humanité qui n’ont pas le temps d’aller à la Cigale, tentera de décrocher la Lune, enverra ses manuscrits un peu partout, par monts et par vaux, à vau l’eau, elle essaiera d’attirer la lumière qui jaillira, aussi intense qu’éphémère, lors de concours de beauté sémantique ou thématique, il faudra camoufler ses tics, ses tocs, se faire mousser et rester humble, être appréciée à sa juste valeur, à juste titre, sans être cataloguée, à plus d’un titre. Puis la lumière se retirera pour l’abandonner cramée au milieu de sa terre brûlée d’où elle renaitra de ses cendres, une nouvelle fois.

Obsédée par les lettres, elle persistera, se renouvellera, accélèrera, rétrogradera, se mettra en danger spirituellement, en transe, en nage, libre, en âge, en rage, c’est sûrement ça le courage, prendre des coups et les rendre dans une rage contenue, une rage au cœur. Elle s’assurera de ne pas s’éloigner de ses racines, de résister aux sirènes du sensationnalisme, d’écouter son for intérieur, de conserver sa lucidité, d’harceler les intelligents fainéants, de combattre la facilité, de ne jamais abdiquer face à la fonte des cerveaux, que sa face visible, ses écrits, lui restent fidèles à jamais, comme un iceberg lutterait au milieu d’une mer se réchauffant pour pérenniser le confort de ceux qui lui marchent dessus.
Elle jouera jusqu’au bout sa vie sur les mots.