Si le hasard t'emmène jusqu'ici, ne fuis point
Surfe et erre sans fin sur le blog du baladin
Smurfe dégingande-toi au sein du bal à daims
Avec imagination, Sans invitation
Ta religion est l'insubordination ?
Alors gausse-toi ici nul n'est bouffon
ni branque ni saltimbanque honnie soit sale ta banque
Juste des pions décidés à enfin décider
dans un bal laid où déambulent des daims
Manifestant leur insoumission avec dédain
LeonnicAsurgi@yahoo.fr


La ligne de démarcation

D’un côté, on élit Scarlett Johansson femme la plus sexy du monde, on vote par SMS pour d’illustres inconnus qui se trémoussent sur des plateaux télé, on démocratise le vulgaire, on le vulgarise, on twitte sur les seins de Rihanna, on parie sur des résultats sportifs, on est addict au bling bling, à ce qui brille, aux paillettes, au paraître, on fait mousser, on vernit tout ce qui s’effrite jusqu’au bout des ongles, on regarde la lumière et on s’y voit, on s’élève en bassesses, on lève son verre à n’en plus finir, on porte des toasts…mais des toasts à qui ?, on se starifie en s’exhibant sur les réseaux sociaux, on se met en scène.

De l’autre, la lumière non artificielle. On met en scène les autres et pour les autres, avec l’obsession d’aller au bout des choses, sans rechercher absolument la lumière mais en l’hébergeant à chacune de ses incursions, à chaque pièce, à chaque film, avant de la voir s’enfuir immédiatement dès le rideau tombé, lumière pressée, lumière ingrate mais méritoire car naturelle, lumière souvent posthume, trop tardive, lumière rappelant aux spectateurs consuméristes ce qu’ils ont tant aimé avant de vaquer à d’autres « occupations », lumière nécrologique saluant les carrières exceptionnelles à l’instar de celle antistar de Patrice Chéreau, qui préférait le train à l’Eurostar, dont l’œuvre globale, totale, est saluée par ses acteurs qu’il aimait tant, ses acteurs qui l’aimaient tant. Et puis l’ombre. On fait de la recherche fondamentale pour que dalle, on s’évertue à trouver des remade in France contre l’Alzheimer, des parades au Sida et au cancer pour des clopinettes dont on veut réduire la consommation, on méconnait les justes, les fourmis de l’humanité qui n’ont pas le temps d’aller à la Cigale, on ambitionne d’aller vivre sur la Lune, de dépolluer la Terre, on invente, on crée, on se donne corps et âme pour le Nobel jusqu’à la conversion, on soigne, on imagine, on s’enthousiasme, on s’exaspère on désespère, on crève la dalle, on se rince la dalle pour qu’eux dallent.

D’un côté, on deale, adeptes du Big Deal, ignorant tout du New Deal, on dealapide en dealettante, on espère gagner au Loto, on aspire à devenir professionnel de football, on oublie que les agents n’y manquent pas d’r.., on table sur un beau mariage, on table sur la multiplication, on espère ferrer la perle rare comme on pêche un poisson à qui on éclate la gueule, on implore la chance, la réussite, des dieux, on peut s’engager pour une cause facile tant qu’elle ne requiert pas trop de temps, tant que ça reste un loisir, tant que ça n’empiète pas trop sur son temps, on aide par intérêt, on attend un retour, sur investissement, qui ne vient jamais, car le retour vient après l’aller devenu pis-aller, on n’investit plus, à charge de revanche, on brigue la richesse immédiate et ses signes extérieurs, les marques, la marque au crocodeal, on consacre toute son énergie à dénicher un terrain fertile en argent facile comme les texans achetaient à l’aveugle des terres qu’ils retournaient dans l’espoir d’en voir jaillir du pétrole, terre à terre, on sert sa cause en premier lieu, on soigne sa com’ mais on parle ça comm’.

De l’autre, on fait des rêves qu’on ne réalisera jamais, on fantasme, on vibre. On s’évade pour ne plus être où on est, on idéalise, on a des utopies, des phobies destructrices. On avance puis on recule. On demande de l’aide, la seule aide disponible est l’aide en ligne, même l’épicier ne l’est plus, racheté par Carrefour en 2012. On donne sa vie pour une cause, souvent perdue. On brigue la richesse, spirituelle, sans abuser de spiritueux ou alors c’est une soumission. On s’engage, on engage une course contre la montre, plus le temps passe, plus on redoute de décevoir l’enfant qu’on était, plus on achète à la Redoute, plus le champ des possibles se referme.

D’un côté, des millions brassés, une justice sur laquelle on peut faire pression politiquement, médiatiquement, on gruge en puissance, des dés pipés sans jamais casser sa pipe, en toute impunité, en toute immunité, l’argent public se volatilise on ne sait où, c’est incontrôlable on nous dit. 10000 licenciés par-ci, 10000 par là. C’est la loi du nombre, une interprétation de la démocratie, une manipulation sordide.

De l’autre, des redressements, des pénalités, des fichages Banque de France pour des impayés dérisoires dont l’action de fichage coûte souvent plus cher que le montant de l’impayé, le fameux syndrome de la redevance télé (alors qu’on devrait nous payer pour la regarder), on survit d’allocations et d’aides de l’Etat en étant pointés du doigt par ceux qui détournent l’argent public, on culpabilise, on vit des fins de mois oppressantes, on se demande comment font les autres. On paie tout et n’importe quoi, on se paie notre tête, bientôt on paiera l’air qu’on respire, ça deviendra irrespirable.

D’un côté le fric et la frime en vacances.
De l’autre les frasques et Fram en vacances.
D’un côté, la frime mousse.
De l’autre, la frimousse.

D’un côté l’argent facile, la quête absolue de l’absence d’effort, le culte de la fainéantise, l’apologie de la paresse, la société du plaisir et du loisir à tout prix, il faut être heureux. La réussite d’une vie se mesure à ça, au confort qui nous habille. Cœur, chaumière, compte en banque. L’argent facile. L’argent trop facile. L’argent facile qu’on a rendu possible. L’argent facile qu’on démocratise. L’argent facile qui prospère. Youpla Boum. Un taux de chômage sans précédent mais des postes non pourvus car jugés trop besogneux. Un taux de réussite au bac sans précédent mais des jeunes dans l’incapacité de mettre en pratique leurs connaissances. Des jeunes démobilisés. Des jeunes hyper cultivés qui s’abêtissent. Des réseaux sociaux largement déployés mais un isolement sans précédent. Du temps qu’on ne supporte plus de perdre, on klaxonne, dans les files d’attente il faut occuper le temps, paralléliser, pianoter sur son mobile, envoyer à ses amis virtuels « Pfff ! Je fais la queue ! :-) :-( ».

De l’autre, une quête d’absolu, de sens à sa vie. L’immatérialisme comme valeur. Du temps qu’on ne supporte plus de perdre, dans les files d’attente, en voyant les autres passer devant, on klaxonne.

D’un côté, on s’inquiète de voir des condamnés en e-liberté, hors les murs des prisons, on s’inquiète aussi en théorisant sur la prison qui violente, embrigade, sectarise, islamise, on stigmatise ces usines à fabriquer des criminels, on ironise sur le fait que ce sont les seules usines françaises en expansion, on ne veut plus voir un condamné dehors, on condamne à perpétuité, qui vole un œuf vole un bœuf.

De l’autre, on s’inquiète de la surpopulation carcérale, on réalise que les conditions de détention proches de l’élevage de bétail transforme les condamnés en animaux à la différence près qu’ils ne finiront pas hallal sous couvert de la loi, on s’émeut de constater que la prison ne laisse pas indemne, c’est l’indemnité du condamné, on ne place pas au même niveau tous les délits, on discerne, le discernement c’est la valeur ajoutée de l’homme, ce qu’aucune machine ne pourra jamais remplacer, ni en 84 ni jamais. On discerne.

Et entre les deux camps, une ligne de démarcation virtuelle. Une ligne imaginaire, pas la ligne Maginot : on fait tous partie des deux camps. On peut passer d’un camp à l’autre sans risquer les balles, pas de no man’s land comme à Berlin. Ce n’est pas seulement le mur qui a chuté, ce sont aussi les idées. Depuis que les blocs communistes se sont effondrés, depuis qu’on sait comment les blocs communistes ont gouverné, les idéalismes ont morflé. Il reste la démocratie capitaliste ou la dictature. La résignation ou les idées faciles, manichéennes, blanches ou noires mais blanches avant tout, la montée de la haine qui ne fait plus honte à ses partisans. Pourtant on mérite bien mieux que ça. La crise actuelle est surtout une crise d’idéaux. On a autant besoin d’idéaux que d’argent. Il y a dix ans, on disait que c’était une fin de siècle, maintenant on dit que c’est une fin de cycle. On n’en sortira pas sans nouvelle idée. Pourtant personne n’imagine d’autres voies que les recettes du passé. La facilité est l’ennemie du bien.

L’équilibre est instable. On oscille : on ose puis on cille. Notre trajectoire est sinusoïdale, la tempête n’en finit plus de donner son avis, la mer est agitée, l’amplitude des hauts et des bas augmente, la ligne de flottaison intime gigue, l’écart se creuse puis se resserre avant de se débiner et de laisser la place à…l’étau. Toute notre énergie est alternative, faudrait un convertisseur alternatif/continue, y en a partout, c’est juste un hacheur pas cher, mais si c’est pas cher c’est produit hors de France, forcément, on sait plus s’ « il faut avoir les moyens », ou s’« il faut se donner les moyens » sans qu’ils ne « justifient la fin ». On ne sait plus s’« il faut donner un sens à sa vie » ou s’« il faut profiter de la vie ». On ne sait plus s’ « il faut assurer ses arrières » ou s’« il ne faut pas regarder derrière soi ». On dit qu’« il faut souffrir pour être beau » mais on a beau chercher, ceux qui ne souffrent pas sont plus beaux. On a le choix entre l’eau vive ou l’eau-de-vie, « c’est la vie » !

On dit que l’argent pourrit tout. Non. Trop facile. De tels raccourcis déresponsabilisent, infantilisent, rendent passif, spectateur de notre société. Ce n’est pas l’argent qui pourrit tout, c’est l’argent facile, c’est la facilité.

On franchit allègrement la ligne de démarcation dans un sens ou dans l’autre, les missions (conversion, espionnage, curiosité, contradiction, hésitation, bipolarité…) en territoire adverse sont légion, nous sommes définitivement et irrémédiablement complexes. Pourtant un jour ou l’autre, il faudra choisir son camp.

Choisir son camp car on ne peut plus se laisser gangréner par l’absence de perspective, par la haine, par les extrémismes, par les idées faciles qui ont engendré ce qu’on sait et qui laissent à penser que ses partisans sont soit incultes soit mal intentionnés, les deux restant possibles. On ne peut plus ne pas dormir sous prétexte qu’on n’a plus de rêve.

Choisir son camp car on n’a pas le droit de laisser les extrêmes sur les devants de la scène, ça a déjà été essayé en 1933 en Allemagne. Si on leur laisse le pouvoir, même juste pour voir, ils le confisqueront, on ne le reverra plus sauf au prix du sang et des larmes. On mérite mieux que ça. On ne mérite pas de faire partie d’une génération qui régresse à l’échelle de l’humanité, c’est-à-dire une génération qui n’aurait rien appris du passé.

Choisir son camp car on n’a pas le droit de laisser la scène à ces spectateurs qui veulent faire l’acteur en balançant des tomates, on sait quel navet ils préparent, c’est du réchauffé, on a vu à Marignane, Orange, Vitrolles. Censurer les bibliothèques et la programmation à l’échelle d’une ville est éloquent, démontre ce qui pourrait être fait à plus grande échelle. On préfère les voir jouer à la courte échelle et se ramasser.

Taxons l’argent facile et sa redistribution coulera de source.

Souviens-toi / Il est planté là / C’est tout l’or de nos vies / Ramène-le moi / Pour une seconde / Et pour essayer / Voir si la route est longue / Et si elle me plait.

Déterminons un critère de pénibilité, celui-là même dont il est question pour les retraites. Pondérons, discernons.

Indexons le taux d’imposition sur la pénibilité et la prise de risques. Sans stigmatiser les entrepreneurs, sans kolkhoïzer la réussite, autre leçon du passé. Il est juste qu’un entrepreneur qui prend des risques récolte les fruits de son audace. Il est juste qu’un homme qui prend la responsabilité d’en employer d’autres puisse s’enrichir. Il est juste qu’un homme soit rétribué en conséquence si sa vision stratégique et ses choix pérennisent de nombreux emplois.

Que penser en revanche d’un individu qui siégerait dans un ou plusieurs conseils d’administration, qui serait assis sur une mine d’or et qui continuerait de s’enrichir sans rien faire, sans rien partager ?
Que penser de tous ces foyers aux revenus élevés qui investissent dans l’immobilier et défiscalisent en masse avec la complicité de tous les gouvernements ? Sait-on que par ce biais leur Quotient Familial est au plus bas ? Sait-on qu’ils reçoivent toutes les subventions basées sur le Quotient Familial, qu’ils paient la cantine scolaire au prix le plus bas par exemple ?
La défiscalisation n’est-elle pas une incitation au surendettement ?

Tant qu’il y aura des hommes…et de l’argent facile, chacun cherchera à « en être », chacun s’estimera lésé, chacun s’efforcera de franchir la ligne jaune, la ligne de démarcation dont les gouvernements ne s’aventurent qu’à en modifier les règles du jeu, armés d’un tournevis de poche.

Redonnons à l’argent une odeur, celle de la sueur.

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