Si le hasard t'emmène jusqu'ici, ne fuis point
Surfe et erre sans fin sur le blog du baladin
Smurfe dégingande-toi au sein du bal à daims
Avec imagination, Sans invitation
Ta religion est l'insubordination ?
Alors gausse-toi ici nul n'est bouffon
ni branque ni saltimbanque honnie soit sale ta banque
Juste des pions décidés à enfin décider
dans un bal laid où déambulent des daims
Manifestant leur insoumission avec dédain
LeonnicAsurgi@yahoo.fr


Footaises

Texte nominé pour le prix Short Edition - Livres en tête 2015
Livres en tête - Thème : Je me voyais déjà en haut de l'affiche

J’étais tout en haut. A dix-huit ans, mon genou venait de saisir sa chance en marquant un but crucial. L’Equipe me propulsa en une. Avec mon cachet, j’achetai une Porsche qui n’en manquait pas et signai pour un club anglais qui se ruina pour l’occasion. Mon cercle dont j’étais le centre d’intérêt s’élargissait de façon exponentielle : filles qui m’avaient snobé, agents simples et doubles, faux amis gravitaient autour de mon nombril et vivaient à mon crochet de footballeur. Je dépensai tout en deux mois, comme un condamné ou comme si l’argent allait déferler sans se tarir. Sorti de nulle part, de ma cité HLM de Saint-Ouen, j’étais à des années-lumière de mesurer combien la cité nous colle à la peau…
A peine débarqué en Angleterre, mes ligaments croisés me lâchèrent, distendus à jamais, partis en croisades. J’ai tout tenté pour revenir. J’ai même appris l’anglais ; après trois mois, je le parlais mieux que le français. Mais à quoi cela sert-il de parler anglais quand on n’a plus de ligaments ? Mon club me vira sans indemnités. Je l’attaquai en justice…ce qui acheva de me griller dans le milieu : je fus taxé de procédurier (les clubs fuient les taxes).
Je tentai alors de rebondir en division inférieure, mais ce fut une guerre de tranchées entre poilus aigris, dans ce microcosme où les joueurs avaient atteint leurs limites en castagnant dans le dos de l’arbitre. On me fit payer mon statut d’ex professionnel, de nanti : mes chevilles et tibias furent massacrés. J’étais devenu l’homme à abattre.
Après cinq ans de démarches judiciaires judicieusement ralenties, mon avocat me lâcha dès que je ne fus plus en mesure de le payer. Retour à Saint-Ouen. Comme moi, ma Porsche ne vaut plus un clou, cabossée par la vie. Chaque matin, je croise les petites frappes locales, ces mômes qui me toisent depuis que j’ai refusé de faire équipe avec eux. Ils guettent capuchonnés avec un téléphone pour mille euros par jour, maillons du réseau de la dope. Moi, j’ai des principes que je laisse aux autres le soin de piétiner. Je fais ensuite mon crochet quotidien au Dia (mon frigo est trop petit pour stocker). A mon retour, ma mère broie du noir. Hier encore, elle s’était vu hériter d’une partie de ma fortune. Aujourd’hui, elle est ruinée sans avoir eu le temps d’être riche. Elle est dévastée et m’entraîne malgré elle dans sa chute. Je dois sauver ma peau. Je me claquemure alors dans ma chambre et la magie opère : j’écris et les phrases déferlent sous l’effet des endorphines.

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