Si le hasard t'emmène jusqu'ici, ne fuis point
Surfe et erre sans fin sur le blog du baladin
Smurfe dégingande-toi au sein du bal à daims
Avec imagination, Sans invitation
Ta religion est l'insubordination ?
Alors gausse-toi ici nul n'est bouffon
ni branque ni saltimbanque honnie soit sale ta banque
Juste des pions décidés à enfin décider
dans un bal laid où déambulent des daims
Manifestant leur insoumission avec dédain
LeonnicAsurgi@yahoo.fr


On a assez zoné

L’été est la saison des fondations, on étaye, on compense ces poutres bétonnées plus solides que cette ferraille quIPN et finit toujours par fléchir, le temps qu’elles sèchent au-dessus du vide, au-dessus de ces trous béants, au-dessus de ces impasses supplémentaires qu’on doit faire pour se donner plus de chances, pense-t-on en évoquant son nouveau destin, ce nouveau virage, cette nouvelle voie à tracer, son nouveau départ, nouveau répété comme on met en scène et en exergue le renouveau, ces nouvelles voies qui tout en rapprochant de quelque chose éloignent des possibilités originelles infinies offertes à tout nouveau-né, promises aux crédules, garanties aux croyants, des voies tracées pour certains, des voies lactées pour tous, des voies à sens unique, des voies de garage, des voies sans issue, dévoyées, on avance dans la vie comme un compte bancaire au capital initial variable, un compte pour lequel la seule transaction possible serait le débit, parfois différé, un compte qui n’aurait d’autre vocation que de finir débiteur, le plus tard possible, un compte au solde qui s’amenuiserait, irrémédiablement, à chacune de nos irruptions, à chacun de nos retraits, à chacune de nos retraites, à chacune de nos dépréciations.

L’été on ambitionne, on se challenge, on éprouve sa motivation, on lance ses nouvelles résolutions à la cantonade, a capella, emplis de légèreté mais aussi pour voir comment ça réagit, pour mesurer la force de sa nouvelle lubie, son quotient de résistance. Ce nouveau cap qu’on lorgne sera trop facile, si on l’atteint, ou inatteignable et légitimera l’échec, la dérobade, le manque de conditions réunies, on peut ainsi passer sa vie à ne jamais rien réaliser qui rende fier, qui auto-satisfasse, sans que cela soit ostensible pour les autres, comme un perchiste qui échouerait en s’obstinant à battre le record du monde sans oser mettre la barre plus bas, de peur de sombrer dans la facilité, ce qui est pris n’étant plus à prendre. Savoir mettre la barre plus bas, c’est pourtant ne pas rentrer bredouille, ne pas être le subalterne du lambda du coin fier d’exhiber son petit truc à deux balles, c’est avoir quelque chose à raconter, même un tout petit machin, on ne peut pas être un presqu’au-boutiste accompli, faillir c’est faillir. Savoir mettre la barre très haut, s’inventer de nouveaux caps, de bonnes espérances, permet de proches en proches à l’humanité de progresser, éloigne de ces jungles hostiles de facilité et nauséabondes d’autosatisfaction qui nous rappellent par l’odeur, alléchés que nous sommes, que le présent et le passé ne suffisent pas, seul le futur se suffit. Savoir mettre la barre très haut, c’est aussi s’entraîner à s’envoyer en l’air, rechercher la légèreté, ne jamais renoncer, regarder Droit dans le soleil.

L’été, on étaye sa motivation, celle qui va irrémédiablement s’émousser, à l’approche des échéances et des esquives, on motive ses étais, on affute les sempiternels arguments, on s’assure qu’on a fait le plein pour passer l’hiver et tenir toute l’année. Toute l’année car tout est calibré sur cet espace-temps, une année, confinant ceux qui voient plus loin au statut de doux rêveur ou de Nostradamus de service. On est formatés pour enquiller les années. De l’école, passages de classe ou redoublements, à la vie active, objectifs annuels, congés, en passant par le chômage où les allocations s’arrêtent au bout d’un an, impôts, taxes, assurances, bonus, malus, peines de prison, tout est à l’échelle d’une année, à l’échelle des quatre saisons et d’un côté ça a du bon, puisque ça permet de ranger aux oubliettes les mauvaises années et de repartir sur de nouvelles bases, comme on perdrait un set au tennis qu’on aurait fini par balancer, tout en conservant son destin en mains, en attendant des jours meilleurs.

Quand vient l’hiver on se bat, on bat en retraite, on baliverne, on élit Vercingetorix héros absolu, on relit Verne, on polit verres et matériaux du même tonneau qu’on vide jusqu’à plus soif. L’hiver on se replie, on peut aussi changer de cap, débroussailler de nouvelles voies, mais un accueil glacial leur est souvent réservé, le ciment sèche moins vite. Changer de cap en cours d’année c’est déjà un échec, c’est l’inaboutissement, c’est s’être trompé et ne pas savoir le reconnaître ou c’est ne pas être persévérant. L’hiver, les seules fondations possibles sont celles de familles. L’hiver on s’accroche comme à des bouées aux motivations de l’été, on ne doit pas les faire mourir, quitte à raviver superficiellement une flamme timide, on a des idées noires à la lumière qu’il fait dehors, on s’empiffre, on consomme de l’éléc, on allume tout, la télé crache la nourriture à ces yeux affamés, l’actualité n’inspire plus personne, n’inspire plus rien de bon.

Entre l’hiver et l’été, le min et le max, le ying et le yang, deux saisons qui ne servent à rien d’autre qu’à faire transition dans un monde bipolaire, binaire, un SAS pour éviter les chocs thermiques, ces feuilles qui tombent comme elles dépoileraient un crâne en cours de « chauvinisme », on guette la mise entre parenthèses, cette lumière qui s’éteint peu à peu, anxiogène, car on connaît l’issue, l’hiver à venir, lis Verlaine et tricot au menu, les soupes aux grimaces, les potages dans lesquels on se fond. Le froid de l’automne nous bouleverse car la perspective est inéluctable, sonne comme une condamnation, même l’eau tonne, il fallait se méfier de celle qui dormait, alors qu’on sourit d’une fraîcheur printanière car on sait qu’on va lui tordre le cou incessamment sous peu, on approche de la ligne d’arrivée, celle où on pourra mesurer le chemin parcouru et bâtir à nouveau, l’été, étayer, à la vue de ces cotes bétonnées qui y incitent, qui inspirent malgré tout.

Au fond, on veut du rythme, mais on réclame du frais l’été et on implore Hélios l’hiver, on aime les saisons mais on aspire à assaisonner leurs amplitudes, à atténuer les écarts-types ; on veut faire bouger les lignes, rompre avec les habitudes et le quotidien mais on souhaite que tous les jours ressemblent à nos jours meilleurs. On n’accepte pas la cyclicité des choses, sauf celle des années. On veut du verbe et de l’envolée lyrique, mais les tribuns nous affolent. On veut s’enflammer en toute sécurité. On veut rêver éveillés. On veut prendre des risques sans risquer de tout perdre.

Nos quatre saisons, on ne peut plus les voir en peinture, on ne veut plus en entendre parler, plus personne ne connaît Vivaldi, tout le monde connaît Vivendi et la Terre, nos quatre saisons on ne les veut plus qu’en pizzas, pour les cinq légumes journaliers à ingurgiter, sans assaisonnement pourtant.
On veut plus d’écologie, on s’en remet aux caprices de la nature tant qu’elle ne nous est pas défavorable, on s’en remet aux saisons qu’on cherche à dompter, on a assaisonné.
On traverse un hiver qui n’en finit plus, sans Horizons on a redouté l’oraison, mais on a assez zoné et on la sent, elle vient, elle point, la floraison.

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